Ici, le pouvoir a le visage étroit des compteurs de fourmis. Il dessine des royaumes dans le grain de sable, et contemple son reflet dans une flaque d’eau stagnante, tandis que le fleuve du développement passe, large et ignoré.
Ô, vous les architectes de l’éphémère, vos langues sont des épées qui taillent des détails en poussière. Vous vous battez pour l’ombre d’une feuille morte sous un arbre que vous laissez mourir de sécheresse. Vos discours sont des châteaux de sable, bâtis à marée basse sur le rivage de l’urgence.
Koungheul, notre terre-mère, assoiffée, regarde ses enfants dépecer l’héritage pour une parcelle d’ombre .Elle gémit sous le poids des ego qui crissent comme le cri-cri en plein midi, insupportable, vaine symphonie de l’immobilité.
Frères, Sœurs, le désert avance
.Il n’y a pas de victoire dans la conquête d’un puits asséché. Notre force n’est pas dans le poing serré, mais dans la main tendue. Levons les yeux, non vers le même soleil qui nous aveugle, mais vers le même horizon qui nous appelle. Imaginons nos mains, non pour se les serrer à la gorge, mais pour mélanger la terre et l’eau, pour élever une moisson qui n’ait pas le goût amer de la discorde.
Ton champ et le mien ne sont séparés que par une ligne que le vent efface. Ma sueur et la tienne sont sœurs; elles fécondent la même espérance. Le développement n’est pas un trophée pour un seul. C’est la chanson que nous composerons ensemble, un chant si profond qu’il fera trembler les fondations de l’indifférence.
C’est le baobab que nous planterons côte à côte,d ont l’ombre apaisera enfin toutes les fièvres. Abandonnons les petites guerres. La terre, elle, ne nous divise pas. Elle nous attend, immense et patiente. Elle n’a que faire de nos querelles de poussière. Elle rêve de nos semences, unies, et de la forêt qui viendra.
Zz Zolam (Lamine Seck), enfant de Koungheul.
